Repenser la politique camerounaise : Un appel à un leadership de haut niveau
- pmbile
- Apr 19
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Par Dr Peter Mbile

L’exemple du football brésilien : jouer selon ses propres règles
Au sommet de sa gloire, le football brésilien s’imposait non seulement par ses victoires, mais surtout par sa manière de gagner — en s’appuyant sur ses forces intrinsèques : la créativité, l’élégance, le talent, et une foi inébranlable en sa propre identité. Il ne s’agissait pas de profiter des faiblesses de l’adversaire, mais de briller par la maîtrise et l’excellence. Le football brésilien était, pourrait-on dire, « la marque par excellence ».
Ce modèle offre une leçon puissante à la politique camerounaise, surtout en cette année électorale décisive. Le changement tant attendu ne viendra pas des manipulations politiciennes ou des attaques personnelles. Il viendra d’une vision authentique, d’un projet enraciné dans les valeurs, le courage et les compétences, à l’image de ce que le Brésil a montré sur le terrain.
L’héritage de la Deuxième République : tous en ont profité… et souffert
Soyons francs : aucun Camerounais, qu’il vive au pays ou à l’étranger, ne peut prétendre n’avoir jamais bénéficié du système de redistribution politique mis en place par la Deuxième République. Par le biais des nominations, des marchés publics, des bourses ou d'autres faveurs, ce système clientéliste a touché toutes les sphères de la société. C’est ce même système, basé sur la loyauté politique, les attentes de récompenses ou de représailles, qui nous a menés dans l’impasse actuelle.
Les leaders politiques d’aujourd’hui — qu’ils soient du camp de Biya, Kamto, Akere ou Bile — sont, d’une manière ou d’une autre, les enfants de ce système. Même ceux qui se proclament réformateurs reproduisent parfois, consciemment ou non, les logiques du régime qu’ils critiquent.
Le culte des nominations : un mal profondément enraciné
Nous saluons les efforts de certains leaders pour se démarquer de ces pratiques. Mais leur véritable épreuve viendra lorsqu’ils seront appelés à gouverner. Seront-ils capables de rompre avec la logique du retour d’ascenseur, des récompenses politiques et de la dette clientéliste ?
Pour l’instant, le comportement de nombreux partisans — bruyants sur les réseaux sociaux ou dans les meetings — nous laisse sceptiques. Leur engouement semble motivé non pas par un idéal républicain, mais par l’anticipation d’un poste, d’un marché ou d’un avantage personnel. Ce comportement est le symptôme d’un mal profond : la mentalité de courtisan, qui a conduit notre pays à la médiocrité, au favoritisme et à la corruption, malgré nos immenses ressources humaines et naturelles.
Le danger du culte de la personnalité
Autre source d’inquiétude : la montée du culte de la personnalité. Un leader politique doit inspirer, certes, mais il ne doit jamais être idolâtré. L’excès d’adulation, la flatterie aveugle et la loyauté inconditionnelle mènent toujours à l’impasse. Certains leaders eux-mêmes semblent gênés par la ferveur excessive de leurs partisans, sans toutefois avoir le courage de les recadrer.
Cet effet de « wagon politique », où tout le monde se rallie à celui qui paraît le plus prometteur, risque de ramener avec lui le pire du passé. Comme l’a averti Fidel Castro : « Faites attention à la manière dont vous arrivez au pouvoir ; les méthodes et la pédagogie utilisées pour y accéder conditionneront votre manière de gouverner. » Si l’on prend le pouvoir par les mêmes méthodes de la Deuxième République, on ne fera que répéter ses échecs.
Appel à la vigilance citoyenne
C’est pourquoi les Camerounais doivent aller au-delà des slogans, des foules et de la présence médiatique. Il faut scruter les plateformes politiques avec lucidité : non seulement ce qu’elles promettent, mais surtout comment elles fonctionnent, qui les compose, et si elles sont capables de rompre avec les habitudes du passé. La vraie question est : construisent-elles une nouvelle culture politique ou ne font-elles que recycler l’ancienne ?
Jusqu’ici, seuls quelques leaders se distinguent par la clarté et la cohérence de leur discours : les interventions réfléchies du Barrister Akere Muna, la présence médiatique sincère de l’Honorable Joshua Osih, les analyses structurées de Cabral Libii ou la ténacité de Maurice Kamto. Mais même ces leaders sont entourés de partisans qui reproduisent des attitudes héritées de quatre décennies de système politicien.
Une vision au-dessus des clivages
Le Cameroun n’a pas besoin d’un autre homme providentiel ou d’un pouvoir déguisé en renouveau. Ce qu’il faut, c’est une vision courageuse, fédératrice et progressiste — une vision qui dépasse les clivages partisans, les logiques tribales, les intérêts individuels. Une vision portée par un leader assez brave et lucide pour s’entourer de compétences, résister aux pressions et s’élever au-dessus des clientélismes.
Les enjeux sont trop importants pour que nous nous contentions de l’illusion du changement. Il est temps de demander le vrai changement — celui qui guérit, qui unit et qui construit.
Peter Mbile est un spécialiste de la gestion de l'environnement et un commentateur de la société et de la politique. Il est titulaire d’un doctorat en politique et économie forestières. Il réside à Yaoundé, Cameroun.
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